L’Ecole de médecine
Avec la Révolution, les structures d’enseignement médical sont abolies, ainsi que les corporations, laissant selon l’expression de Jacques Léonard, « un champ de ruines ». Obligée de refonder le système de formation, la Convention crée, en 1793, le Muséum National d’Histoire Naturelle lui octroyant des missions de recherche et d’enseignement. Puis avec le décret du 14 frimaire an III (4 décembre 1794), la Convention Nationale instaure trois écoles de santé : Paris, Montpellier et Strasbourg.
Fuyant le contexte familial local, F. Humbert part pour Paris où un de ses oncles maternels, avocat au parlement, est disposé à le recevoir. C’est naturellement qu’il souhaite poursuivre dans la capitale sa formation médicale.
« Arrivé dans le Nouveau Monde, sans conseil, sans appui, que faire ? Je demandais à mon oncle, conseil. Il me dit : « La jeunesse, mon domestique te conduira à l’Ecole de médecine ». Et en effet, on m’y conduisit. Je fus frappé d’étonnement à la vue d’une réunion si nombreuse d’élèves, la majesté de l’amphithéâtre, l’éloquence du professeur, le morne silence des auditeurs. J’étais comme dans un état d’extase, ayant vu et entendu sans pouvoir en rendre compte, entraîné par le torrent, je suivi aveuglement là où la foule m’entraînait. Tout était pour moi, un nouveau sujet d’admiration. Après quelque temps d’observation, je reconnus que je pouvais me livrer à mes goûts : l’anatomie, la physiologie, la physique, l’anatomie comparée, l’astronomie, la visite des hôpitaux… Voilà mon premier choix, mais je n’avais ni livre, ni instrument, ni conseil pour recueillir les trésors qui m’étaient ouverts. Ma mémoire devait suppléer à tout. Mais je m’aperçus bien vite que pour tirer quelques avantages, il fallait suivre les leçons sans interruption. Mon oncle qui ne voyait pas comme moi, fut le premier à entraver la marche de mes idées, en exigeant que je me rendisse à heures fixes pour le repas, sans quoi il ne me garderait pas chez lui. Je lui fis mille observations pour lui prouver l’impossibilité d’interrompre mes cours. » Mémoires
Passionné, mais sans argent, hébergé par son parent, il fréquente seulement les différents cours dispensés gratuitement et en premier lieu celui de l’école de médecine. Il suit également pendant l’an V (1797) les cours d’anatomie comparée de G. Cuvier au Muséum National d’Histoire Naturelle, ceux de physique expérimentale donnés par L. Lefèvre Gineau au collège national de France et celui sur le siège et les causes des maladies, donné par A. Portal. Puis il entre avec les 120 élèves ayant réussi le concours à l’Ecole pratique de dissection de M.-A. Thouret.
L’arrivée à Paris de Joseph Huttier au Val-de-Grâce, où il enseigne l’anatomie et les bandages, lui permit de quitter cet oncle avec lequel il ne s’entend pas, mais surtout de trouver une activité rémunérée. Dans un premier temps, il assure à nouveau le suivi de la clientèle civile de son beau-frère. Puis en parallèle de ses fonctions au Val-de-Grâce, le chirurgien militaire ouvre un amphithéâtre d’anatomie privé « en rue et maison de la Sorbonne ».
Depuis la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les amphithéâtres d’anatomie privés se répandent, permettant une instruction pratique de l’anatomie. Au début du XIXe siècle, les autorités réfléchissent à mieux les surveiller. La loi du 3 vendémiaire an VII (24 septembre 1798) définit un cadre réglementaire .
Ne pouvant mener de front toutes ses activités, J. Huttier propose à F. Humbert de devenir le prosecteur de son amphithéâtre. Puis, en 1798, conformément à la loi, il obtint l’autorisation de le diriger au lieu et place de Joseph Huttier prenant ainsi le titre de prévôt. Il conduit alors les travaux des élèves, mais il devient aussi responsable de la bonne tenue de l’établissement.
Ces années estudiantines semblaient des plus propices, cependant deux circonstances particulières obligent F. Humbert à quitter, au printemps 1799, sa vie parisienne, qui alliait études médicales et activités anatomiques.
Une plainte du bureau de salubrité
Les amphithéâtres sont particulièrement surveillés, en particulier au niveau de la salubrité. A cette époque, M.-A. Thouret et G. Dupuytren proposent au préfet de la Seine de retenir huit principaux points de vigilance : l’absence de surveillance, la malpropreté des lieux et la mauvaise aération, la putréfaction excessive, l’abandon de débris humains, le jet d’une partie de ces débris avec les eaux de lavage, la puanteur des tables, la rareté du renouvellement de l’eau des macérations.
L’amphithéâtre dirigé par F. Humbert ne devait pas être épargné de ces contrôles. Le 18 ventôse an VII (8 mars 1799), le bureau de salubrité de Paris lui adresse une plainte à son sujet. « Il paraît que cet amphithéâtre offre le spectacle hideux de différentes tables couvertes d’une quantité considérable de débris de corps humain ainsi que des baquets remplis d’intestins et de sang, provenant des mêmes cadavres et dont il s’exhale l’odeur la plus infecte. »
Etant le « professeur d’anatomie », il est tenu responsable de l’hygiène et les autorités le somment pour la dernière fois de prendre « de suite, les précautions d’ordre et de bienséance et de salubrité » qui lui sont prescrites. Faute de quoi, l’amphithéâtre sera fermé. Quelques années plus tard, la centralisation des lieux de dissections, voulue par l’ordonnance du 15 octobre 1813, ferme l’ensemble des structures privées de la capitale. Les pavillons de la faculté de médecine et l’amphithéâtre de l’hôpital de la Pitié deviennent les deux centres de dissection de Paris.
Des conceptions opposées de l’exercice de la médecine
Dans cette effervescence intellectuelle, où Paris devient un centre scientifique de premier ordre, où les idéaux de liberté et d’égalité s’affirment, François Humbert est confronté à des visions contraires de l’art de la médecine. Sa famille reste figée dans des vues passéistes, issues de l’Ancien Régime. Elle ne comprend pas la soif intellectuelle du jeune homme et ne le soutient pas dans son envie de poursuivre des études. Son oncle pense que « tout ce que je faisais, était inutile, qu’il suffisait de suivre un cours d’anatomie et l’hôtel-Dieu. Il avait consulté un vieux médecin qui lui avait dit que la chose était inutile et que si l’on embrassait tant de parties à la fois, on ne ferait rien. » F. Humbert affirme à ses proches qu’il ne souhaite pas être qu’un simple « garçon chirurgien », argumentant « que la science faisant des progrès, il fallait se mettre au courant des connaissances ».
Sources et crédits photographiques
Mémoires de F. Humbert, AD55, 8J18
Certificat d’A. L. de Jussieu et G. Cuvier, du 19 fructidor an VI, AD55, 8J18
Certificat de L. Lefèvre-Gineau, du 25 fructidor an VI, AD55, 8J18
Certificat d’A. Portal, du 1er nivôse an VII, AD55, 8J18
Musée du Val de Grace, Affiche des cours, année 1799-1800
Bureau central du canton de Paris, Comité de salubrité, lettre du 18 ventôse an VII, AD55, 8J19
Ordonnance concernant les amphithéâtres d’anatomie, du 15 octobre 1813, AN, FG/13/887
Lettre de Humbert à l’école de médecine, AD55
Gravure, Université de médecine de Paris, BIU Santé, Paris
Liste des élèves, ayant assisté au cours de F. Humbert, AD55, 8J
Avertissement de la salubrité publique sur la tenue de l’amphithéâtre d’anatomie, AD55, 8J
Courrier à F. Humbert, comme prévôt d’un amphithéâtre d’anatomie, AD55, 8J