Un scientifique reconnu

Morley, un centre médical ouvert

Bien que le réseau routier se développe particulièrement à partir des années 1830, Morley reste un village géographiquement isolé, à une trentaine de kilomètres de la préfecture du département, en dehors des grands axes de communication. Les familles des patients reconnaissent que les voyages sont longs et parfois éprouvant par les malades. Le docteur Brion lors de son inspection, venant de Saint-Mihiel, situé à 50 km, en décembre 1822 est obligé de louer une voiture avec un coche et de prévoir deux nuits, ne pouvant faire l’aller-retour dans la même journée.

F. Humbert lui-même estime que cet isolement nuit à sa carrière et surtout à sa renommée. « L’auteur d’une découverte (…), si son astre ne l’a pas fait naître en hauts lieux (…), s’il ne trouve pas assistance et protection (…) aura sacrifié une partie de sa fortune et nombre d’années de sa vie, on ne lui en tiendra nul compte ; ses intentions seront mal interprétées, et sa découverte contestée avec une opiniâtre persévérance, trop heureux s’il ne la voit pas enfin rejetée comme le rêve d’un esprit chimérique. »

Bien qu’isolé, ce centre par sa primauté et par les clients notables qu’il accueille, provoque la curiosité et l’intérêt tant des autorités politiques que des sphères scientifiques. F. Humbert cultive d’ailleurs cette attention. Il organise à Morley, un véritable musée orthopédique où il expose l’ensemble de ses maquettes orthopédiques, dans des vitrines réalisées à cet effet. Il montre également des squelettes humains à différents âges. Il fabrique aussi des cires anatomiques, pour garder une trace de ses travaux. Une de ses productions enrichit le musée Dupuytren sur proposition du doyen Orfila. « La faculté a reçu le modèle en cire d’un bassin dont vous lui avez fait l’hommage. Cette pièce a été jugée digne de figurer au musée Dupuytren où elle est déposée. »

Il est également fier d’ouvrir son établissement orthopédique à l’ensemble de ses confrères et autres médecins qui souhaitent visiter Morley. « C’est le cas de dire ici que l’entrée des divers établissements orthopédiques de Paris était fermée à tous les médecins même les étrangers, dans la crainte qu’on ne leur enlevasse les moyens qu’ils mettaient en usage, voulant par-là éviter la concurrence. Moi au contraire, toutes les personnes, médecins et autres qui venaient me visiter, je les recevais avec le plus grand plaisir. Je leur montrais tous mes appareils et j’exécutais devant eux le fonctionnement de chaque partie des appareils. S’ils me faisaient, soit des questions, soit des observations, je leur donnais autant qu’il était en moi satisfaction pleine et entière ». Comme visiteurs, nous avons déjà cité les docteurs Fodéré, Scoutetten, Chaley. De plus F. Humbert va régulièrement à Paris, où il se renseigne sur les activités des autres établissements orthopédiques de l’époque.

Les sociétés savantes

Ses ouvrages lui permettent d’être connu et reconnu. Sa diffusion auprès de plusieurs sociétés savantes et médicales lui permettre d’y être admis comme membre correspondant, à partir des années 1834.

Ce réseau lui permet d’être intégré dans un environnement intellectuel et scientifique d’envergure. La réception des annales ou autres bulletins lui assure, même depuis Morley, de participer et de suivre les différentes avancées médicales de l’époque. Aussi ses ouvrages font l’objet de comptes-rendus, tant lors des séances académiques que dans différentes publications. The New York Journal of Medecine and Surgery publie, en 1839, un long article sur le Traité des difformités.

Les maquettes

Pour appuyer ses propos et accompagner les différentes planches techniques présentant ses machines, il fait fabriquer des maquettes de l’ensemble de ses inventions. Ce sont plus de quarante maquettes en acajou qui sont confectionnées. Elles illustrent de manière concrète les méthodes mises en œuvre à Morley.

De petite dimension (0.50 x 0.30 x 0.20), elles sont faciles à faire transporter. Elles sont présentées à l’Institut des Sciences en 1834, puis à l’exposition publique des produits de l’industrie française. Ce sont des fauteuils et des lits orthopédiques, mais aussi des appareils de déplacement (chariot, béquilles…) ou des meubles de vie quotidienne (banc de piano, table de travail…). Il y a aussi les machines utilisées pour la réduction des luxations de la hanche. Restaurées au printemps 2017, elles représentent un patrimoine scientifique de premier plan, encore conservé. Il faut les mettre en relation avec les quatre maquettes orthopédiques de G. Pravaz, exposées au musée d’histoire de la médecine de Lyon.


Sources et crédits photographiques

Lettre du docteur Brion au préfet de la Meuse, 1822, AD55, 262M2

Musée barrois, dossier Humbert, dossier histoire du Musée barrois

Lettre du docteur Orfila à F. Humbert, 27 mars 1836,AD55, 8J21

Mémoires de F. Humbert, AD55, 8J18

Courriers entre P. L.-A. Cordier et F. Humbert, AD55, 8J21

Diplôme de la Société Nationale d’Emancipation Intellectuelle et Industrielle, 25 novembre 1833, AD55, 8J21

Lettre de F. Guizot à F. Humbert, 27 février 1837,AD55, 8J21

Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet de la Meuse, 1838, AD55, 83M3

BU Médecine, Montpellier, Catalogue pour la vente de la bibliothèque du docteur G. Breschet, 1846

Diplômes des sociétés savantes, 8J21

Lettre du Secrétaire de la société des sciences de Nancy à F. Humbert, 12 novembre 1842,8J 22,

Maquettes orthopédiques, collection musée barrois, Bar-le-Duc