Les loisirs

Les loisirs et l’éducation

Les traitements nécessitant des périodes de soins et d’immobilisation longues, l’occupation des patients et de leur famille fut une réelle préoccupation. Loin des centres urbains, les activités restent essentiellement des activités de salon. Elles demeurent traditionnelles pour des jeunes filles de bonne famille : pratique musicales, travaux d’aiguilles, dessins, broderie, danse, jeux de billard… Plusieurs éléments de cette vie quotidienne sont conçus pour s’adapter aux machines orthopédiques : un banc de piano, un bureau… Ils permettent aux jeunes filles de poursuivre leur activité tout en restant dans les accessoires de soins. « Elles sont installées en position assise devant un pupitre, avec la possibilité de disposer d’un ouvrage à l’aiguille, de broderie, papier pour dessiner et pour écrire. »

A l’inverse de l’établissement de Venel ou d’autres établissements similaires, F. Humbert ne reprend pas les concepts de l’éducation morale définis, par exemple chez N. Andry. Il ne met pas en place de prise en charge éducative des résidents.

Une bibliothèque est fondée. Des ex-libris « bibliothèque de Morley » sont imprimés.

La gymnastique

De même, la gymnastique n’est pas préconisée à Morley. Cette discipline n’entre pas dans le processus thérapeutique. Elle garde seulement un rôle limité à la prévention primaire ou secondaire. F. Humbert donne sa vision sexuée de la gymnastique. « Laissons ces jeux masculins aux jeunes garçons qui doivent se tenir toujours agiles ; toujours vigoureux pour rendre à l’Etat les services qu’il leur réclamera un jour sur ses vaisseaux ou dans ses armées. Il est pour les femmes des exercices plus doux et plus convenables à la modestie de leur sexe et à la délicatesse de leurs organes, n’est-ce pas assez de la promenade, de la course, de la danse, du jeu de volant, de l’escarpolette, de l’équitation ? Tous ces jeux ne suffissent-ils pas pour développer les forces de la constitution et ranimer l’action languissante du système musculaire ? Recommandons-en donc l’usage toutes les fois que l’inertie des muscles ou une langueur constitutionnelle peut faire redouter une déviation vertébrale ou même lorsque ces causes en ont déterminé une qui ne fait que commencer. »

Le mot « gymnastique » apparaît seulement, en 1817, dans le Dictionnaire des sciences médicales. Le docteur Pravaz fonde son établissement lyonnais quelques années après celui de Morley. Il utilise fortement la gymnastique dans les soins prodigués, avec par exemple l’utilisation de la « balançoire orthopédique ».

Francisco Amoros ouvre à Paris, en 1818, le premier établissement public de gymnastique.

Le théâtre

Sous la Restauration, le théâtre est un des premiers divertissements à la mode. Les résidentes « pensèrent à s’amuser et eurent le projet de jouer la comédie entre elles. Le local manquait, on ne trouva de place que dans la salle à manger. Je fis faire un théâtre à la hâte, les coulisses furent faites en feuillage et huit jours après, on joua la comédie qui fut suivie d’une danse et d’un banquet, ce qui amusa beaucoup les Demoiselles.» Fort de ce succès, les jeunes filles demandent la création d’un lieu consacré à ce nouvel amusement, avec la possibilité d’y recevoir du public. F. Humbert y consent. « Toutes les jeunes pensionnaires furent dans la joie la plus grande, que tout était exécuté selon leur désir. Les parents arrivèrent, les amis furent invités, il y eut une grande société, beaucoup de gaieté, la comédie fut jouée, elle fut suivie d’un bal très animé et tout se termina par une collation. [… ] Le choix des pièces était confié aux mamans. Elles furent prises parmi les comédies de Madame de Genlis, il fut décidé que la première que l’on jouerait, serait La Rosière de Salancy. Et on était loin de croire que cette pièce serait le tombeau de cette récréation qui faisait le bonheur de nos jeunes personnes qui jouaient toutes ensemble et sous les yeux de leurs mères.  Mettre un curé en scène fut un crime. C’était profaner la religion, dénonciation à l’évêque qui faillit interdire le curé de Morley quoique très innocent car la soutane fut empruntée à Ligny. Le prélat s’en plaignit au préfet et l’on me fit savoir indirectement que si on jouait encore la comédie dans mon établissement, que si le théâtre n’était pas démoli, je serai attaqué comme permettant des récréations contraires aux bonnes mœurs et à la religion.»

La loi sur le sacrilège, votée le 20 avril 1825, illustre la volonté de la reconquête morale et religieuse voulue par le gouvernement et de nombreuses structures sont alors surveillées. F. Humbert s’exécute et détruit le théâtre. Quelques mois plus tard, les patientes demandèrent à nouveau la possibilité de pouvoir jouer la comédie.

« Comme j’avais en ce moment de grands personnages, des personnes qui tenaient à la Cour, le préfet en était instruit et se garda bien de chercher à troubler les amusements de ces dames et qui décidèrent entre elles de jouer la comédie. Aussitôt que cela fut décidé, je fis faire un théâtre qui fut mis à leur disposition ». Une véritable salle de théâtre, avec une scène fixe et aux dimensions importantes, est édifiée spécialement à cet effet, en 1826.

Les promenades

Pour permettre aux patientes de sortir se promener à l’extérieur, deux jardins d’agrément sont plantés. « Un jardin au midi et un autre au couchant sur les rives de la Saulx servent de vastes promenades. » Le jardin au midi, enfermé dans la cour de l’établissement, est le jardin de proximité. Petit, suivant la configuration du terrain, il est agencé en pente douce. Il est orné d’un cadran solaire et d’éléments hydrauliques non définis à ce jour. Sa particularité est de comprendre des chemins adaptés aux machines orthopédiques de déambulation. « Alors, je fis faire des allées dans le jardin suffisamment large pour que les Demoiselles pussent se promener facilement dans le jardin, tout le potager fut encaissé avec de longues et larges dalles en pierre et le centre fut pavé avec des dalles en pierre de dix-huit pouces de large, ce qui facilitait la promenade, même dans les temps de pluie et ayant toujours le pied sec. Il y avait encore un avantage, c’est que les béquilles ne glissaient pas, elles posaient sur la terre ; ce fut une grande amélioration, tant pour la salubrité que pour la propreté de la maison.»

L’autre jardin se situe de l’autre côté de la rivière. Pour y accéder, une passerelle privée est construite. C’est une parcelle de grande taille, où un bois est planté à l’extrémité du terrain. En cas d’orage, un abri pouvant accueillir les résidents est érigé.

Pour permettre la mobilité des patients, un lit mobile articulé, sorte de chariot, est construit à Morley. « On voit que ce char n’a d’autres usages que de transporter […] et de faciliter les moyens de conduire le malade d’un lieu dans un autre


Sources et crédits photographiques

Mémoires de F. Humbert, AD55, 8J18

Madame de Genlis, la rosière de Salency, BNF

Façade intérieur du théâtre, établissement orthopédique de Morley

Clé de voute, Théâtre, établissement orthopédique de Morley

Cadre solaire, jardin, établissement orthopédique de Morley