Son enfance

Le grand maître d’école J-J de Boissieu 1780 Musée d’Art d’Histoire Genève

Une éducation traditionnelle perturbée par la Révolution

Comme nombre d’enfants issus des milieux urbains et des familles aisées, F. Humbert, dès le lendemain de sa naissance, est mis pendant deux ans en nourrice, à la campagne, à Juvigny (Marne), village situé à quelques kilomètres de Châlons-en-Champagne.

A son retour, les relations entre ses parents se sont dégradées. Son père ayant abandonné la magistrature pour se lancer, sans succès, dans le commerce du bois est ruiné. Le couple se sépare physiquement, madame Humbert restant seule avec ses enfants dans la maison paternelle. Dès lors, le jeune Humbert se sent mal aimé de cette famille maternelle qui porte plutôt son affection vers sa jeune sœur, Jeanne-Catherine. Cette relation filiale se dégrade au fil des années d’une manière violente. « La sévérité, qu’on exerçait contre moi, s’étendait sur tout. Jamais de douceur, jamais un sou, toujours rebuté ou puni à la plus légère infraction. Croira-t-on que ma mère ne me permettait de l’embrasser que deux fois l’an, une fois la veille de sa fête, l’autre que le premier jour de l’année et si j’avais fait quelques peccadilles, j’en étais privé. » Les mémoires de François Humbert, rédigées de nombreuses années plus tard, semblent d’ailleurs être une véritable œuvre cathartique de ses liens familiaux.

A l’âge de six ans, il est mis à l’école « chez une veille demoiselle qui avait quelques petites filles et petits garçons », puis chez un maître où il apprend à lire et à écrire. A onze ans, il entre au collège, puis chez les Bénédictins jusqu’à la Révolution. Suite à 1789, l’école militaire d’artillerie est établie dans les bâtiments du grand séminaire. Les bâtiments sont aujourd’hui occupés par l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts et de Métiers. « Pour y être admis, il fallait des connaissances en mathématiques. Comme il y avait au collège, la chaire de mathématiques et de physique, on m’y fit entrer. Le langage me plut davantage que le latin auquel je ne comprenais rien. Cela m’amusait beaucoup et je m’y adonnais. Mais les idées de liberté, l’effervescence de la jeunesse, le peu de soins qu’on prenait de moi retardaient les progrès que j’aurais pu faire dans cette partie qui était tout à fait à mon goût. Pendant les 18 mois où j’ai suivi ce cours, j’ai perdu les trois quarts et demi de mon temps. La révolution marchait à grands pas, la guerre se déclara, les écoles furent suspendues ; tout était dans l’anarchie, les couvents transformés en hôpitaux. »

Esquisse historique sur les écoles d’artillerie L. Puillon de Boblaye – 1858

N’ayant pas de prédisposition pour cet enseignement d’Ancien Régime, axé sur l’étude des Ecritures et des Humanités, ses premières années d’études lui laissent un sentiment d’inutilité. Si les sciences l’intéressent davantage, il est aussi attiré dès son plus jeune âge par la technicité des métiers manuels. Malgré les remontrances négatives de sa famille, composée « d’hommes de profession » vis-à-vis des « hommes de métier », il s’intéresse aux techniques mises en œuvre par les artisans présents à proximité.  « Me trouvant toujours dans mes moments de récréation, tantôt chez un serrurier, tantôt chez un menuisier. Que je travaillais avec les maçons et qu’on m’entendait faire mille questions à ces ouvriers, demandant toujours la raison de ce qu’ils faisaient et ils me répondaient avec complaisance et me voyaient avec plaisir. »

Atelier du sieur Jadot menuisier, P. Chenu, 1776 Musée Carnavalet, Paris

Ces premières années sont chahutées à la fois par une vie familiale complexe et par la Révolution. Le jeune François Humbert ne trouve pas sa place, il estime ainsi que ses dix premières années d’éducation le laissent « dans un état de nullité complète ».

Les événements révolutionnaires perturbent les structures d’enseignement classique, mais ils donnent aussi des idéaux nouveaux à un adolescent étriqué dans une famille où il ne se sent pas à l’aise.

Tout au long de sa vie, il garda ce sentiment de non-maîtrise de la langue française. C’est en partie pour ces raisons, qu’il associa systématiquement un coauteur à la rédaction de ses ouvrages.


Sources et crédits photographiques

AD55, 8J18, Mémoires de F. Humbert

Le maitre d’école, Boissieu, Musée Arts et Histoire Genève

Esquisse historique sur les écoles d’artillerie, Puilln de Boblaye, 1858

Atelier de menuiserie, Chenu, Musée Carnavalet,