La population de Morley en 1836

L’établissement orthopédique de François Humbert va fêter ses 20 ans. L’essai sur les luxations de la hanche vient d’être couronné par l’Académie Royale des Sciences : F. Humbert a enfin un nom dans le monde médical français. Les patientes se pressent pour venir se faire soigner à Morley. Son fils, docteur en médecine s’installe à Morley après un mariage « réussi ». Certains pensent même que F. Humbert va recevoir la légion d’Honneur.
Et en France, Charles X en exil décède et c’est l’année des inaugurations : l’arc de triomphe et l’obélisque de la Concorde. La Monarchie de Juillet bat son plein !

C’est aussi le début des recensements en France.

En 1836, la population de Morley est de 678 habitants. Morley occupe souvent une deuxième place dans le canton.

Après le chef lieu de canton, Morley est le village le plus grand avec une superficie de plus de 24 km2 (Montiers sur Saulx,44 ; Morley, 24 ; Bure, 18 ; Le Bouchon, 5…)

Deuxième village aussi par sa population avec 678 habitants. Montiers sur Saulx possède le double avec ses 1147 habitants, puis vient le village voisin, Dammarie sur Saulx avec 554 habitants. Puis les autres villages du canton ne dépassent pas les 500 habitants… Couvertpuis a 284 habitants.

Montiers sur Saulx1147
Brauvilliers342
Couvertpuis284
Dammarie sur Saulx554
Hévilliers374*
Mandres en Barrois458
Ménil sur Saulx485
Morley678
Ribeaucourt426
La population des villages du canton qui possèdent un recensement (sources recensement 1836 et 1841*)

En 1836, le département de la Meuse comptait 317 701 habitants répartis sur 501 communes. Bar le Duc et Verdun dépassent les 10 000 habitants.

Morley reste donc dans la fourchette haute des villages meusiens. Cette situation s’explique certainement plus du fait de son industrie que de la présence de l’établissement orthopédique.

678 habitants et une parité presque parfaite : 48% d’hommes et 52% de femmes…

C’est le cas de tous les villages du canton et c’est assez traditionnel dans la démographie de cette époque. Seul Hévilliers inverse les %, mais avec des si petits échantillons, nous ne pensons pas que cela soit significatif. Et c’est Couvertpuis qui atteint presque la parité exacte !

Les répartitions

Le recensement classifie chaque sexe en trois catégories : les filles/garçons, les personnes mariées et les veuves / veufs. Qui sont les filles?

Elles représentent 195 personnes, soit plus de la moitié de la population féminine et presque 30% des habitants du village !

Nous regrouperons les filles en 4 classes d’âge. Les moins de 21 ans (âge de la majorité), les 22 – 60 ans et les plus de 65 ans.

Les jeunes filles mineures (moins 21 ans) représentent 78 % des filles, seules 4 travaillent, elles sont domestiques.

Il n’y a que 3 filles âgées de plus de 65 ans : Athier Anne, 76 ans, rentière ; Suisse Reine, 71 ans, couturière ; Marie Gauthier, 68 ans , journalière.

Les filles célibataires âgées de 22 à 65 ans représentent 20% de cette population (40 personnes)

Plus de la moitié travaille, les autres n’ont pas de métiers mentionnés et vivent en famille. La domesticité est la 1ère activité, elles sont chez un patron unique. Ce sont 15 filles qui occupent ce métier, dont un tiers travaillent chez Humbert. Puis 10 filles sont journalières, c’est à dire qu’elles louaient leurs services à plusieurs familles et lavaient le linge à domicile à la demande. Le métier du linge reste une occupation : 3 couturières et 2 blanchisseuses. Deux sœurs sont les institutrices du village (il y a aussi un instituteur) et une économe qui travaille chez Humbert.

Les veuves

Elles sont 39, soit 5% de la population, tandis que les veufs ne repressentent moins de 2% (13 personnes).

Elles sont plutôt âgées : 1/4 ont plus de 60 ans et seules 5 veuves ont moins de 40 ans.

La majorité n’ont pas de métier mentionné 40%. Un quart sont des journalières, et 7 sont qualifiées de propriétaires. On peut noter 3 couturières et 1 fileuse de laine. Enfin, une veuve travaille comme domestique chez Monsieur Jeanson, voiturier.

La doyenne du village, selon le recensement est madame Marguerite Briot, Veuve de monsieur Gérard. Pour le recensement, elle a 87 ans, mais son acte de décès datée de 1838 annonce qu’elle a 82 ans et qu’elle est journalière. L’acte mentionne aussi la non connaissance de son lieu de naissance, des noms, domicile, professions de ses parents. L’état civil est créé en 1792.

La plus jeune veuve a 26 ans. Marguerite Bertrand a deux enfants en bas âge, elle ne se remariera pas et décédera à Troyes, à 88 ans chez son petit fils, conducteur des ponts et chaussés.

Les métiers du bois

La région de Morley est réputée pour ses forêts, c’est donc logique de trouver un certain nombre de métier en lien avec le bois et son travail. Ce sont près de 30 personnes du village qui vivent directement de cette filière, en 1836.

En premier, le garde forestier, créé après la Révolution, est tenu par Nicolas GUILLEMIN, né en 1761, il a 76 ans. Son père était déjà « garde de la forêt de Morley » lors de son mariage en 1794 avec Marguerite MICHEL. Il portait uniforme.

Ensuite, nous trouvons un certain nombre de métiers du bois :

– les bucherons : 12 personnes, le groupe le plus important

– les scieurs de long : 5 personnes

– les menuisiers : 5 personnes

– les charpentiers : 3 personnes

– les commis de bois : 2 personnes

– enfin les charbonniers : 2 personnes

les métiers du textile

Toute la filière est quasi représentée, en 1836 dans le village. On dénombre un tisserand, une fileuse de laine, un teinturier. Puis six couturières et deux blanchisseuses (les sœurs Ferry).

Nous savons que les patientes de F. Humbert prenaient une blanchisseuse au sein du village, car peu de personne utilisait ce type de service dans les villages. Les familles les plus modestes s’occupaient directement de leur linge, pour les autres, elles avaient des domestiques dédiées.

Les rentiers

Seules deux personnes sont qualifiées de rentier en 1836 :

– Victor Tochon d’Anguy et sa femme Hortense Chapel.

Victor Eustache Fabricius est né à Paris, fils d’un limonadier, il est déjà qualifié de rentier lors de son mariage, avec la fille d’un Juris consul belge. Nous ne savons pas pourquoi il vient s’installer à Morley. Un fils va naitre dans la commune, le 27.02.1835 : Amedé . Il sera graveur en taille douce, il épousera une coloriste. Nous n’avons pas retrouvé d’œuvre de cet artiste, si potentiellement les graveurs signaient…

– Anne Athier, célibataire, elle vit chez son neveu, maçon. Elle meure quelques mois plus tard, le 27 octobre, à 77 ans.

Le trio : le curé, le maire et l’instituteur et le percepteur

Le Maire est Christophe COLIN, il a 50 ans. Il se marie en 1810 à Morley, avec Hélène LOMBARD, il est alors qualifié de Laboureur. Il est également à l’origine de l’érection de la croix de la Bardoline, où l’on peut encore voir son nom. Son adjoint est également mentionné : Lambert GUILLEMIN, âgé de 38 ans. Il exerce la profession de mouleur en fonte de fer.

Le Curé ou le « desservant » est Joseph COLIN, 39 ans. Il vit avec ses parents. Ils sont originaires de Juvigny sur Loison. Il restera à Morley jusqu’à son décès en 1853.

Les instituteurs, trois sont recensés en 1836.

  • François NICOLAS a 25 ans, il est originaire de Juvigny sur Loison. Il épousera à Morley, en 1840, la fille du maire de Savonnière, Marie-Anne HENRY.
  • les filles LALLEMANT : elles sont originaire des Vosges.

Catherine a 38 ans, elle est restera à Morley, où elle est qualifié de rentière en 1872.

Honorine a 30 ans.

Nous ajouterions la présence d’un percepteur des contributions directes, Jean Baptiste Adolphe NOCAS, 31 ans, originaire de Laheycourt. Il épouse à Morley, en 1833, Françoise Zéphine GAILLET.

Pouvez-vous identifier les lieux de leur activité sur le plan ?

Les cultivateurs et les journaliers

Village rural, c’est donc un peu logique que les métiers de l’agriculture soient prépondérants. En effet, la première profession citée, ce sont les journaliers, ils sont plus de 40 : 27 hommes et 16 femmes.

Le journalier, la journalière, dans le monde paysan désignait un ouvrier / ouvrière agricole, souvent payé/e à la journée.

Et ce sont les 19 cultivateurs cités qui les emploient.

Le pâtre

Il y a un autre métier en lien avec l’agriculture, mentionné en 1836 : le pâtre. Il n’y en a qu’un ! Le recensement mentionne Jean BERNARD, qualifié de pâtre, il a 60 ans. Né en 1776 à Roches sur Marne (52), il épouse à Morley en 1821, Marie-Anne PIONNIER.

Ancien militaire, c’est un soldat pensionné pour blessures, il fut en effet militaire pendant 28 ans 5 mois et 25 jours ! Le fait d’être pâtre est une activité donc annexe…

Sur plus de 220 personnes mentionnées avec un métier, un tiers ont un profession agricole !

Les domestiques et un employé

La deuxième activité principale des habitants
Plus de 30 habitants exercent cette profession. Contrairement aux journaliers, les domestiques sont rattachés à un employeur spécifique, chez qui ils résident généralement. Parmi eux, on compte 17 femmes et 13 hommes. C’est le premier métier des femmes de Morley à part quasi égale avec les journalières.

Les employeurs sont diversifiés : plus de 10 d’entre eux sont cultivateurs, tandis que les autres sont des artisans ou appartiennent à d’autres catégories professionnelles employant une personne. Parmi ces employeurs, on distingue la famille Lombard, qui emploie 4 domestiques, et François Humbert, qui en compte pas moins de 8 à demeure. À ces derniers, il faut ajouter d’autres salariés, tels que l’économe et le jardinier.

Le plus jeune domestique est Hyppolite Guillemin, âgé de seulement 11 ans. Il travaille chez Jean-Baptiste Gauthier, cultivateur.
La plus âgée, Anne Larcher, a 55 ans. Elle est employée chez Joseph Pionnier, charpentier veuf, dont elle est probablement la belle-sœur.

Un employé notable : Henry Collignon
Un seul employé est mentionné, Henry Collignon, âgé de 39 ans. Ancien notaire royal de Sorcy, il vit avec son épouse, Victoire Vinchon, et leurs trois enfants. Il est vraisemblablement employé aux forges de Morley. En 1845, il décède alors qu’il travaille aux forges de Chamouilley, en Haute-Marne. L’un de ses enfants deviendra plus tard directeur des télégraphes à Verdun. Sa fille épousera le Régisseur de Domaine de l’Isle en Rigault.

Les militaires

Les petits métiers

Les petits métiers, ils font vivre le quotidien du village, ce sont essentiellement des artisans ; les commerçants sont encore peu nombreux.

Les artisans – nous avons déjà traité des métiers du bois et du textile – il faut également mentionner : 1 meunier, 1 maçon, 3 voituriers, 3 charrons, 3 maréchaux-ferrants, 3 serruriers, 2 cordonniers.

Puis pour les commerçants : 2 marchands, 1 horloger, 1 boucher

Et une mention particulière pour les deux cabaretiers :

Claude MICHEL, célibataire, né à Morley en 1770, il y meurt en 1844. Il vit seul.

Marguerite PICARDEL, veuve GAUTHIER. Elle a 61 ans et elle vit avec sa domestique, Marguerite URBAIN âgée de 22 ans.

Vous remarquerez que Morley possède peu de métier de bouche à cette époque : aucun boulanger, par exemple, mais un meunier !